Gomm + Nadj + Triste Sire - Ninkasi Lyon - 8 mars 2007

Publié le par Chtif

20h, Ninkasi de Lyon, la salle est pas vraiment pleine, mais le public très diversifié à l'image de l'affiche du soir : ça va de la jeune gothique, rigolote avec ses New Rock et son appareil photo, au quadra venu avec son petit garçon. A l'avant, deux trois gars sympas et tout bourrés qui seuls mettront un peu de feu dans la salle, sous les "Ta gueule !" d'une partie de l'auditoire. Vous pouvez pas savoir comme ça me fait du bien de voir encore des gars comme ça, qui ne viennent pas à un concert pour se faire chier, mais pour s'en mettre plein les oreilles et danser la tête dans les amplis... d'aucuns diront plutôt "pour faire chier et bousculer les gens qui veulent écouter la musique dans de bonnes conditions". Râle, râle, râleurs congénitaux dont on ne sait toujours pas pourquoi ils persistent à quitter leur canapé pour venir s'emmerder dans une salle trop enfumée pour eux. Super, quand on aura interdit la clope, la bière, et les pogos, on pourra écouter Sufjan Stevens en tirant la gueule, ça sera vraiment la grosse poilade dans les concerts. Bon, je prend le parti des deux gars bourrés parce que, justement ce soir-là, j'étais en mode relativement soft. Ce qui signifie entre autres que je me suis moins marré qu'eux, mais que les concerts ont été apprécié à leur juste valeur.

 

20h30, arrive Triste Sire pour lancer la soirée. Triste Sire, un trio bien atypique, batteur carré, guitariste enplumé pas vraiment à son aise sur scène, et, point de convergence de tous regards, un(e) bassiste androgyne qui nous fait la totale :  ongles peints, bas déroulés sur les avant-bras, et voix de petite putain timide. Le registre pompe allégrement sur Placebo, avec une tonalité un poil plus hard, mais l'interprétation est impeccable. Certains passages ont la grandiloquence des comédies musicales,  le frisson des vieux manoirs, et l'on croit par moments entendre la crécelle de Piaf qui en ferait des tonnes. Triste Sire flirte avec le grotesque, mais ne vire jamais dans une vulgaire parodie de tafiole : le chanteur maintient tout du long son rôle ambigu avec une féminité déconcertante. Un truc que Jayne County n'a jamais réussi à faire. En bref, Triste Sire, ça pourrait être complètement ridicule, au final c'est plutôt remarquable, et amusant aussi. Commentaire de Miss Chtif : "On dirait Hedwig ("...and the angry inch") en mieux".

 

Parmi nos amis tout bourrés, on dégôte un ex-crêteux qui a vu sept fois les Bérus en concert (mais qui se fera quand même jeter par une jeune punk-gothique un peu plus tard). Pendant ce temps, la chanteuse de Nadj trimballe négligeamment sa grosse voix sur scène, un bâtonnet d'encens à la main, des collants résilles et une mini-robe sous laquelle tous les mecs materont pendant l'heure suivante. C'est marrant : dans Triste Sire, il y avait un gars qui se comportait comme une gonzesse, je trouvais ça sympa; dans Nadj, c'est l'inverse, mais c'est malheureusement moins inhabituel, en clair ça m'énerve  (relisez-voir le début de la chronique de Mademoiselle K pour comprendre pourquoi, on est en plein dedans, là). Bref, c'est parti pour Nadj : power trio, tendance grunge-stoner, le batteur est une bonne pile électrique. La chanteuse joue pas très bien de la gratte mais compense en gueulant fort. Le truc rigolo, c'est sa manière de se pencher en arrière entre deux plans, de sorte que la salle ait vue directe sur son espèce de pâte à cul entre les jambes (j'imagine ce qu'il se passe dans la tête du gamin qui est venu avec son père). Bon, les larsens inutiles qui durent cinq minutes, c'est quand même moins drôle (on mettrait ma grand-mère potards au taquet en face de l'ampli, ça rendrait pareil). Bonne énergie, donc, mais des chansons communes dissimulées derrière un gros son. Nota Bene : en mode bourré, j'aurais trouvé le son terrible, secoué ma carcasse et reluqué le minou de la chanteuse tout du long (alors que là, j'ai un peu regardé le batteur aussi).

 

Il est tard quand Gomm monte enfin sur scène : on espère que c'est à cause du dernier métro, mais la moitié de la salle se barre après deux morceaux seulement. On ne peut plus logique quand on considère que Gomm est sans doute ce qui se fait de plus original en ce moment dans nos contrées.

Rythmes répétitifs, sonorités post-punks, et sens aigu de la mise sous tension, Gomm joue tout sauf la facilité, et n'hésite pas à maltraiter son public le temps de bien développer ses structures. Des structures froides et ciselées, aux éraflures quasi-psychés plus présentes encore depuis la sortie de leur deuxième album. Pour mon troisième concert avec les Nordistes, je suis impressionné par leur maturité croissante : la maîtrise du jeu est totale, les nouveaux morceaux prennent une ampleur hypnotique, s'étalent sur de longues minutes en dehors des schémas traditionnels, et sans garantie de libération au final. Pari risqué mais tellement rafraîchissant.

Le groupe est d'une rare simplicité, ça aussi ça fait du bien :  décor d'ampoules et de néons tout en sobriété, à l'égal des guitaristes stylés au flegme quasi-britannique. Marie, les yeux grands ouverts sur son clavier, reste classieuse, convainc sans cabotiner. A droite, Olivier remercie timidement les gens entre les morceaux avant de relancer la machine avec un de ces riffs de batterie immédiatement identifiables dont il a le secret. Gomm explore sans barrière (ce doit être pour ça qu'on pense à Pere Ubu, parfois...) et se forge petit à petit une personnalité unique et discrète... qu'à peine 20 personnes continuent à apprécier en fin de soirée. Franchement, on les mérite pas. Messieurs dames des Gomm, je sais pas, changez de pays s'il le faut, mais surtout lâchez pas l'affaire, continuez comme ça, on en a besoin.

 

 Pour en savoir plus :

Triste Sire : le site net, et quelques morceaux en écoute sur MySpace

Nadj : le Myspace

Gomm : le site + un morceau en écoute dans la Radio du Chtif : "Into perfection"

Publié dans Chroniques concerts

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C
Ah, "Hedwig " n'est pas un groupe, mais un film, enfin plus précisément une comédie musicale adaptée en film : et c'est vraiment très bien.<br /> Merci du passage par ici, Yohanan, on s'était aussi bien amusé à ton concert (décidément, y'a le Gotha du rock français qui passe par ici... Le Chtif sera bientôt un haut lieu jet set, n'en doutons pas). Sache aussi que Miss Chtif aurait plein de questions à te poser sur ta sexualité !
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Y
"On dirait Hedwig ("...and the angry inch") en mieux"<br /> Je ne connais pas ce groupe, je vais donc m'informer...<br /> Sinon j'ai beaucoup rigolé en lisant ce blog, merci...<br /> Yohanan des Triste Sire.
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C
Aïe aïe, dommage !
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O
Gomm était en concert samedi 3 mars dernier au Grand Mix à Tourcoing mais je ne les ai pas vu !
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C
Alors tu es une groupie chanceuse si tu ne tombes jamais sur de gros musicos transpirants de bière!
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