"California über alles" - The Dead Kennedys
Pour beaucoup, les Dead Kennedys furent le groupe punk ultime. Engagés, sans concession, inventifs, et menés par un leader au charisme sans pareil, Jello Biafra, les Kennedys s'inscrivent d'emblée dans la légende avec un premier single intemporel : "California über alles".
Il en fallait des grosses comme ça pour sortir un titre pareil en 1979. Car ici, il ne s'agit pas d'afficher crânement la svastika pour le simple plaisir de la provoc', comme Siouxsie ou Vicious quelques mois plus tôt. De toutes façons, les jeunes sauvageaons auraient bien été incapables de dire ce qu'elle signifiait cette croix gammée. Jello Biafra, quant à lui, va plus loin : en détournant l'hymne patriotique allemand, "Das lied der Deutschen" qui fit les beaux jours de la propagande du Troisième Reich (l'hymne est aujourd'hui allégé, pour des raisons bien compréhensibles), Jello s'attaque de front au Gouverneur de Californie en place, Jerry Brown.
Fin 70's, l’esprit contestataire a bien morflé avec la montée capitaliste. Ce qui énerve rudement Jello qui ne ne peut plus blairer les yuppies, cette nouvelle classe de bobos matérialistes qui se la joue mauvais garçons sous une épaisse couche de thune arrogante.
Jello : 'Il y avait une masse pas possible de gens qui se croyaient vraiment rebelles et ouverts d'esprit, en quête des gourous pour dicter leur conduite. Cela m'effrayait. Je pensais : 'que se passerait-il si cette apathie collective se répandait à l'ensemble de la population, si tout le monde se couchait jusqu'à ce qu'un dictateur débarque ?' C'est arrivé dans tellement de pays; cela se produit chez nous en ce moment. Alors je réalisai que le politicien le plus apte à manipuler les gens de par ses appuis religieux et politiques était Jerry Brown." (source : mixonline)
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Encore des taquins pas au goût de tout le monde...
Et c'est parti pour le réglement de compte. Pour l'une de ses premières compos, Jello n'y va pas avec le dos de la cuillère. Dans "California über alles", le Gouverneur lui-même prononce un discours d'investiture virtuel aux visions tentaculaires :
"I am Governor Jerry Brown [...]
I will be Fuhrer one day
I will command all of you
Your kids will meditate in school [...]
Zen fascists will control you
100 % natural
You will jog for the master race
And always wear the happy face"
Jello vomit ses mots avec une haine folle, incompréhensible. Derrière, les guitares pillonnent sans répit, rappelant les bataillons de marteaux en marche dans "The Wall" (Pink Floyd, sorti la même année). A mi-course, le refrain s'engage dans un passage plus lent, oppressant. Singeant les dispenseurs de bonne parole, Jello se lance dans un prêche terrifiant, inspiré par Orwell et les camps de concentration.
"Now its 1984
Knock-knock at your front door
It's the suede/denim secret police
They have come for your uncool niece
Come quietly to the camp
You'd look nice as a dawstring lamp
Don't you worry, it's only a shower
For your clothes here's a petty flower."
Déjà se profilent les futures performances du chanteur en "spoken-words", dans les années 90. Le bonhomme a toujours manié la rhétorique avec finesse, ce qui lui permit d'ailleurs une carrière politique pas dégueu. Son dernier couplet annihile tout espoir :
Serpent's egg's already hatched
You will croak, you little clown
When you mess with President Brown
When you mess with President Brown"
Le deuxième vers, "Serpent's egg's already hatched" évoque un passage du "Julius Cesar" de Shakespeare, dans lequel Brutus, le fils parricide, réalise la nécessité de tuer le serpent dans l'oeuf avant qu'il n'éclose et ne devienne néfaste. Constat trop tardif dans la chanson...
Brutus : " The only way is to kill Caesar. [...] If we crown him, I have to admit we'd be giving him the power to do damage. Rulers abuse their power when they separate it from compassion. [...] And therefore we should liken him to a serpent's egg once it has hatched, it becomes dangerous, like all serpents. Thus we must kill him while he's still in the shell."
Shakespeare
Nouvelle égérie punk ?
Le premier album des Dead Kennedys, "Fresh fruit for rotting vegetables", déboule en 1979. Avec une bonne pelletée de morceaux d'anthologie ("Holidays in Cambodia", "Drug me"...), il reste un classique incontesté. Cependant, "California über alles" poursuivra son petit bout de chemin au cours du temps : dès 1981, le groupe enregistre une autre version ("We've got a bigger problem now") aux paroles augmentées pointées vers le président Reagan. Pas étonnant qu'après ça, les Kennedys se soient trouvé dans le colimateur des autorités. Celles-ci s'acharneront jusqu'à venir à bout de la formation quelques années plus tard. Ceci n'empêchera pas Jello Biafra de repartir au front, avec les Melvins cette fois, pour une nouvelle mouture ("Kalifornia Über Alles, 21st Century", 2004) saluant l'élection de Schwarzenegger.
A qui le tour ?