Every song tells a story - "Nobody but me" - The Human beinz
Le père Lester écrivit, un jour de grande lucidité :
"J'ai fini par comprendre que la nullité était le plus authentique critère du rock'n roll, que plus le boucan était primitif et grossier, plus l'album serait marrant, et plus je l'écouterais longtemps."
(c'était déjà marqué en haut de la page, mais ça ne fait pas de mal d'en resservir une petite louchée)
S'il fallait un jour trouver parfaite illustration pour cette maxime définitive, il serait maladroit d'aller chercher plus loin que "Nobody but me" des Human Beinz. Comme trois-quart des groupes des années 60, les Human Beinz (initialement Beingz, le "g" s'étant perdu en chemin dans les couloirs de sa maison de disques) étaient des champions de la reprise. Leur répertoire piochait allégrement chez les Them, Dylan, Who et consorts, tous les grands compositeurs de l'époque. C'est bien inspirés qu'ils allèrent loucher en 1967 du côté de la soul infernale des Isley Brothers. Leurs compatriotes black de l'Ohio avaient en effet sorti quatre ans plus tôt cette chanson "scat" ultra dansante et gorgée de cuivres fous déclamant en substance et avec fierté : "laisse-moi te dire une chose, bébé, personne ne danse comme moi".
S'emparant du morceau, les Human Beinz bidouillent un peu l'agencement des parties et revisitent les paroles pour finalement pondre un texte aussi idiot que magnifique, dont l'essentiel réside dans ces quelques mots :
Nobody can do the Shing-a-ling like I do
Nobody can do the Skate like I do
Nobody can do Boogaloo like I do
Nobody can do Philly like I do
La chanson démarre sur une espèce de corne de brume aussi révélatrice que le brâme d'un cerf, et s'embarque dans une pléïade nerveuse de "no no no" (100 fois "no", et 46 fois "nobody", plus précisément, un malade s'est amusé à compter). Outre le fait de proposer une rythmique absolument jouissive et imparable, la grosse affaire du morceau réside dans ce "Boogaloo", sorte de formule magique beuglée par des Human Beinz rendus crétins par leur période de rut. On a beau savoir que le boogaloo est un style et une danse mixant R&B black et mambo latino, il paraît évident que nos amis avaient tout autre chose en tête. Eddy Mitchell avait son boogie-woogie, les Human Beinz leur Boogaloo. A la fin du morceau, les Beinz, à bout, percutent des bouteilles de Coca les unes contre les autres pour interpeler la femelle...
"Nobody but me" est l'archétype de la chanson idiote, et par conséquent c'est un très grand morceau. On pourra la retrouver sur le premier de leurs deux albums, ou plus judicieusement, sur le coffret "Nuggets", valeur sûre de chez Rhino. Il paraît aussi que Tarantino l'a utilisé pour
Et bien sûr, les deux versions, celle des Isley Brothers et des Human Beinz sont en écoute dans la radio.